Une approche théorique et methodologique visionnaire


Fritz PerlsLe fondateur de la Gestalt-thérapie, est l’allemand Fritz Perls, qu’on pourrait décrire comme un personnage autant génial que peu recommandable ! (1)  Psychiatre puis psychanalyste, sa pensée rejoindra davantage les dissidences (Ferenczi, Rank, Binswanger, Reich, Jung …) que l’orthodoxie freudienne. Son implication dans l’intense activité culturelle – notamment théâtrale – du Berlin des années 20, imprégnera également sa réflexion et sa conception du développement personnel.

Laura PerlsIl sera bientôt assisté de son épouse, Laura Perls – docteur en Gestalt-psychologie marquée par les enseignements d’existentialistes tels Martin Buber et Paul Tillich.  Le couple fuira l’Allemagne nazie, et c’est en Afrique du Sud que paraîtra en 1942 un premier ouvrage : «le moi, la faim et l’agressivité»: commencent à s’y marquer quelques distances d’avec la psychanalyse freudienne, notamment par l’intégration de contributions issues de la gestalt-psychologie (lois de la perception, relation figure-fond (2) , etc…), des travaux de Reich (cuirasse émotionnelle…) et de Smuts (holisme).

Phil GoodmannA la fin de la guerre, le couple émigre vers New York et rencontre la troisième grande figure fondatrice de la Gestalt-thérapie, Paul Goodman, qui sera reconnu comme un penseur majeur de la société américaine : nombre des idées neuves et libertaires qui voudront ultérieurement transformer la société et ses valeurs, s’inspireront de lui (Ivan Illich, par exemple se situe dans ce sillage). Perls continue parallèlement ses recherches empiriques, et découvre le zen avec Paul Weiz, le psychodrame avec Moreno, etc. La rencontre de ces différentes personnalités (auxquelles se joindra l’universitaire Hefferline) et influences, se concrétise par la parution en 1951 de ce qui deviendra l’ouvrage de référence : «Gestalt-thérapie, nouveauté, excitation et développement».

photo_binswanger photo_ferenczi photo_rank photo_reich photo_jung photo_freudLa Gestalt est ainsi issue à la fois des psychanalyses, de la Gestalt-théorie, de la phénoménologie (3) (Husserl, Heidegger,…), de l’existentialisme (Sartre, Beauvoir,…) de la théorie du champ, et a beaucoup emprunté aux philosophies orientales (Taoïsme, Bouddhisme Chen Yen ou tantrisme, zen…). Ce n’est pas pour autant un bric à brac new age, mais une approche théorique et méthodologique incontestablement visionnaire, «puisqu’elle comporte dès son origine nombre de propositions ressemblant aux avancées les plus récentes en matière de théorie psychothérapeutique, voire même psychanalytique» (4)

En tous cas, la Gestalt propose d’emblée un changement de conception de l’objet d’étude de la psychologie : non plus la psyché, mais – dans la mesure où l’humain ne peut pas être abordé séparément de son environnement – l’étude des opérations articulant l’humain à son environnement. Autrement dit : le contact.

En France,

c’est surtout à partir des années 80 que les centres de formations se sont ouverts (Ecole Parisienne de Gestalt, Institut Français de Gestalt-Thérapie, puis multipliés  – par exemple avec Champ G (Institut de Gestalt du Nord) , Gestalt+ (Rennes), Genesis , INGT (Nantes) , Grefor, Savoirpsy, etc….…) – et les sociétés de praticiens (SFG, Société Française de Gestalt-thérapie, et plus récemment  le CEGT ou Collège européen de Gestalt-Thérapie en langue française, …) ont commencé à se constituer, se distancier voire s’opposer, et enfin, aujourd’hui collaborent jusqu’à la mise en chantier d’une « maison commune »…

Aujourd’hui,

la plupart des psychothérapeutes ont été sensibilisés à des degrés divers à la Gestalt-thérapie ; des praticiens de tous horizons en ont assimilé certains des concepts ou des propositions, et comptent un certain nombre de ses techniques dans leur panoplie, en particulier dans le travail en groupe.
Certains réduisent d’ailleurs la Gestalt-thérapie à ces techniques – comme frapper ou invectiver un coussin sur lequel on externalisera momentanément une figure familière ou imaginaire ; ou encore incarner la boule qui serre sa propre gorge ou les différents éléments de son dernier rêve ; ou mettre en scène ses hésitations, ou se projeter dans une photo ou un dessin, etc. – alors qu’aussi intéressantes soient-elles, ce sont seulement des moyens que le Gestalt-thérapeute peut utiliser pour aider la personne à prendre conscience de ses émotions, sentiments, identifications, projections, ou d’une situation et de la façon dont elle l’aborde, etc.


  • (1) voir l’ouvrage de Serge Ginger, « La Gestalt, une thérapie du contact », ed Hommes et Groupes, 7e édition 2003, 550 pages, ou « La Gestalt, l’art du contact» Guide de poche Marabout, 7e édition, Paris-Hachette, 2004, 280 pages.
  • (2) Ainsi l’image sur la gauche représente-t-elle une jeune femme ou une femme âgée selon les éléments que vous sélectionnerez comme partie de la figure ou partie du fond.
  • (3) Si vous vous interessez à cette approche phénoménologique, il y a des travaux de recherche particulièrement riches et gracieusement mis à notre disposition par leur auteure, Edith Blanquet, sur son site d’enseignement de Gestalt-thérapie et de Phénoménologie.
  • (4) Jean Marie Robine, présentation de la Gestalt-Thérapie